Grenoble, 30-31 mai et 1er-2 juin :
4 jours contre Minatec et son monde

Nano-oppression

Le 2 juin, jour de l'inauguration de Minatec, le premier centre européen de recherche des nanotechnologies, Fakir, inaugurera « Nano-oppression » la première oeuvre de l'anti-nanoart. A la frontière du visible et de l'invisible, de l'infiniment petit, l'anti-nanoart tend à dénoncer le travail de Cris Orfescu, un artiste californien s'autoproclamant chef de file du nanoart[1].

Fakir dénonce cette obscure supercherie comme étant une mise à disposition de l'art au service de l'industrie militaire. « Aider les gens à devenir familier avec les nouvelles technologies d'une façon attirante à travers l'art, c'est soit de l'inconscience soit de l'hypocrisie. Les nanotechnologies sont comme le nucléaire, trop dangereuse pour que l'on puisse les rendre familière. Elles sont incompatible avec la démocratie.» Fakir interroge la fuite en avant de la science qui devrait interpeller le monde de l'art dans son ensemble. Les divers courants artistiques du 20ème siècles se sont souvent détachés des innovations en dénonçant les risques qu'elles engendraient, « si la population aurait prise en compte les oeuvres de nombres d'artistes, nous ne serions pas dans une situation écologique intenable.»

« Nano-oppression » interroge cette nouvelle dimension de l'invisible. Sculptée et peinte à l'échelle du nanomètre, elle est équipée d'un nanomissile capable d'autodétruire l'oeuvre. La nanoexplosion provoquée sera imperceptible à l'oeil humain, « il faudrait que le public vienne avec son microscope pour percevoir le travail réalisé. Il m'a fallu des mois de préparation pour mettre au point Nano-oppression. L'oeuvre présenté le 2 Juin sera donc auto détruite afin qu'elle ne finisse pas dans des galeries d'art comptant pour rien. Cette autodestruction se veut aussi être une alerte citoyenne : « allons-nous laisser les militaires fabriquer des nano missiles, ou des poussières nano technologiques capables de neutraliser l'ensemble d'une population ? »

Le Sillon Alpin et la ville de Grenoble ont proposé à cet artiste de présenter l'oeuvre à l'ensemble de la communauté scientifique présente lors de l'inauguration de Minatec. « Après de multiples tractations, j'ai décliné l'offre car je souhaite développer un travail indépendant de toute structure de pouvoir. J'ai bien compris que les nanotechnologies posent un problème éthique, et le gratin politique se creuse la tête pour éviter que les nanos provoque le même refus de la population que les OGMs »

Fakir a finalement pris contact avec OGN, l'opposition grenobloise aux nanotechnologies, pour intégrer « Nano-oppression », au contre-programme qui animera la ville de Grenoble du 29 mai au 2 Juin. Ces quatre jours seront l'occasion pour OGN d'informer la population des discrètes recherches réalisé dans l'Isère. La contre inauguration semble avoir un impact national et même européen, de multiples collectifs locaux ayant organisés depuis quelques mois des projections et débats sur les désormais très controversées nanotechnologies.

Eric Liane


[1] Cris Orfescu, artiste californien d'origine roumaine, s'est auto-proclamé chef de file d'une nouvelle discipline : le "nanoart". Ses oeuvres, à la croisée de l'imagerie scientifique et de la peinture abstraite, sont composées en faisant appel au microscope électronique, puis retouchées et mises en couleur à l'aide de logiciels de retouche d'images. "Je crois que les gens devraient connaître davantage ce qui se passe aux échelles micro et nanoscopique, pour ne plus être effrayés par toutes ces 'nano-choses', qu'il s'agisse de nanotechnologie, de nanosciences, de nanopoudres, qui constituent dès à présent une nouvelle révolution technologique". Expliquant que "l'art ne doit pas resté éloigné de la technologie", il entend "interpréter le mouvement technologique" en "trouvant des similitudes entre le nanomonde et le monde dans lequel nous vivons", pour "aider les gens à devenir familier avec ces nouvelles technologies, d'une façon attirante".